Michel Bacquet : et si le management s’inspirait de la permaculture ?

Interview

Michel Bacquet : et si le management s’inspirait de la permaculture ?

Cofondateur de l’Institut pour une Entreprise Bio-animée (IEB)

11 novembre 2022

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Michel Bacquet
     
     
Connaissez-vous le permanagement, association de permaculture et de management ? Le terme est apparu en 2018 sous la plume de Guillaume Pérocheau, chercheur expert en innovation et fondateur de Maryposa, "cabinet de métamorphoses". Depuis, il fait des adeptes.

Connaissez-vous le permanagement, association de permaculture et de management ? Le terme est apparu en 2018 sous la plume de Guillaume Pérocheau, chercheur expert en innovation et fondateur de Maryposa, "cabinet de métamorphoses". Depuis, il fait des adeptes. Jérôme Doncieux, fondateur de l’agence de création de contenus ETX Studio en a fait son cheval de bataille, convaincu du bien-fondé du "plus on mélange, plus ça pousse" pour répondre aux enjeux du monde actuel. Emmanuel Delannoy, théoricien de la permaéconomie, l’utilise également au sein de Pikaia, cabinet expert en solutions biomimétiques. Quant à l’ l’Institut pour une Entreprise Bio-animée (IEB), il s’est créé en février 2020 avec un objectif : s’inspirer du vivant pour manager les hommes. Michel Bacquet, co-fondateur, nous en dit plus sur cette approche innovante.

Qu’est-ce que le permanagement ?

C’est l’application au management des douze principes de la permaculture. Certains sont plus facilement transposables que d’autres. J’en citerai trois : se servir de la diversité et la valoriser ; intégrer au lieu de séparer et, enfin, utiliser les bordures et valoriser les marges.

Appliqué à l’entreprise cela donne quoi ?

En permaculture, placer côte à côte des plantes différentes favorise leur croissance et enrichit les sols. En entreprise également la diversité est importante. Or, elle fait défaut. Certaines, connues pour être des repères de centraliens ou de polytechniciens, recrutent toujours les mêmes profils. D’autres ne respectent pas l’équilibre homme-femme. La diversité peut également concerner les pratiques de travail, à distance ou en présentiel, ou encore l’aménagement des bureaux. ETX studio, par exemple, s’est doté de différents espaces adaptés aux usages des collaborateurs, certains silencieux, d’autres favorables aux échanges. Son champ d’application est très vaste.

Lire aussi : La diversité en entreprise : des progrès encore modestes

Qu’en est-il des bordures et des marges ?

En permaculture, la richesse du sol et de la vie se loge dans les zones qui délimitent deux milieux, deux paysages. Chez les Hommes, cela correspond à la zone d’interaction entre deux services ou individus. D’où l’intérêt en entreprise de ne plus travailler en silos mais de fonctionner en mode projet avec des personnes de services différents qui apportent leurs compétences et leurs connaissances. Cette zone doit aussi laisser place à la diversité des opinions et à la fertilisation des idées propices à la création et à l’innovation.

Cela rejoint l’idée d’intégrer au lieu de séparer…

C’est le contraire de diviser pour mieux régner. Il s’agit d’accueillir mais aussi d’accepter la différence. En coaching, on parle d’inclusion. Or il faut oser s’ouvrir à l’autre, à la différence. Par peur de l’inconnu, l’homme préfère côtoyer ceux qui lui ressemblent. D’où l’intérêt, pour y parvenir, de miser sur le développement personnel du dirigeant comme des employés.

Tous ces aspects sont repris par d’autres écoles ou méthodes de management. Le permanagement ne serait-il pas un concept de plus pour consultants en quête de notoriété ?

Certes un consultant cherche à se différencier et à « marketter » son positionnement. Mais c’est aussi une affaire de conviction. Dans la lignée du biomimétisme, nous pensons que la nature a tout inventé et qu’il suffit de puiser dans les propriétés du vivant pour créer des produits plus performants et moins polluants. La nature a en effet agi, pendant 3,8 milliards d’années, comme un laboratoire d’innovations et d’expérimentations pour finalement sélectionner les modes adaptatifs les plus efficients au sein d’un écosystème donné. Ses modes d’organisation et de fonctionnement systémiques et interconnectés sont d’excellents exemples pour des entreprises à la recherche d’une organisation pérenne, agile et performante. Ainsi, la permaculture a largement fait ses preuves. Elle donne des rendements bien meilleurs qu’avec des engrais.

La permaculture scelle aussi l’alliance de l’homme et de la nature. Quelles sont les qualités d’un bon permanager ?

Dans un jardin, le permaculteur crée les conditions favorables pour que cela pousse puis il laisse agir. Cela suppose d’accepter de ne pas tout décider. Le bon permanager n’est pas dans l’ego ni la toute puissance. Il fait preuve d’humanisme, d’humilité, de patiente mais aussi de fermeté. Il doit en effet pouvoir se séparer du salarié qui nuirait au bon fonctionnement du groupe. Dans un jardin, sur dix plantes semées, seules sept peuvent subsister. La sélection est naturelle. Pas en entreprise.

Vous mettez également en avant le principe de co-évolution…

C’est le principe de l’entraide. Chacun apporte à l’autre ce dont il a besoin. Ainsi une entreprise va s’appuyer sur un collaborateur pour se développer mais elle va aussi l’aider à grandir ou à atteindre des objectifs personnels. C’est ce que pratique Thierry Marx auteur du livre « la stratégie de la libellule ». Le chef cuisinier fait passer des entretiens d’évolution et non d’évaluation.

Ces approches bio-inspirées séduisent-elle d’autres entreprises ?

Elles sont en phase avec les attentes et les enjeux environnementaux, économiques et sociaux de notre époque. Elles sont également importantes pour attirer les jeunes talents en quête de sens. Il existe aujourd’hui une vraie dynamique autour de la bio-inspiration et des entreprises dites apprenantes ou responsabilisantes. C’est une bonne nouvelle pour la performance économique et pour le bien-être des salariés.