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L’épidémie mondiale de maladie à coronavirus a déjà largement affecté la sphère professionnelle. Mais peut-elle modifier en profondeur le monde du travail, en bouleversant durablement ses codes ?
Avec les mesures de confinement, prises pour limiter la propagation du coronavirus, de nombreuses entreprises ont été contraintes de s’adapter. La première réponse a souvent été la même : un recours massif au télétravail.
Bien sûr, tous les métiers ne sont pas touchés par cette décision. Certaines professions imposent un contact physique, dont il est aujourd’hui impossible de se passer : ouvrier, infirmier, militaire, etc. Mais on s’aperçoit finalement qu’elles ne sont pas légion.
D’autres sociétés, à l’image du journal L’Équipe, ont ainsi découvert qu’il était possible d’effectuer toute leur activité à distance. Un fonctionnement qui n’est, pour l’heure, que temporaire.
On ne sait toutefois pas quand s’achèvera le confinement imposé par le gouvernement. Mais surtout, la crise sanitaire aura inexorablement des répercussions considérables sur le monde du travail. Comment imaginer qu’un retour exact « à la normale » puisse être envisageable ?
La situation actuelle va en effet probablement conduire les salariés à s’interroger : si je peux travailler à distance aujourd’hui, ma présence physique était-elle indispensable auparavant ? Et une fois le confinement levé, pourquoi faudrait-il que je retourne au bureau ? On pourrait ainsi assister à une remise en question générale des réunions en présentiel, souvent décriées pour leur inefficacité.
De leur côté, les entreprises pourraient aussi vouloir prolonger l’expérience. Car certaines d’entre elles investissent dans le confort de leurs employés à domicile. C’est le cas de Twitter, comme le rapporte The Guardian, qui propose à ses équipes un remboursement des dépenses engendrées par l’aménagement de leur home office. Pour ces organisations, un tel investissement sera sans aucun doute plus rentable s’il s’inscrit dans la durée.
Alors va-t-on observer l’essor prochain du travail à distance ? Et si la présence au bureau devenait l’exception (un jour par semaine, par exemple) ? C’est ce qu’imagine Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos, pour qui le coronavirus va entraîner « la révolution du télétravail ». Dans son scénario, en 2030, près de dix millions de Français seraient concernés par cette pratique.
Quelle serait l’incidence d’une telle évolution sur les collaborateurs ? Plusieurs avantages sont mis en avant. Matthew Mullenweg, PDG de la société Automattic (WordPress, Tumblr…) loue ainsi la « flexibilité au travail », qui permet notamment d’éviter les « longs trajets » ou « la rigidité empêchant de rester chez soi lorsqu’un membre de sa famille est malade ». Quant à Bertrand Lacanal, directeur artistique de L’Équipe, il a déjà relevé les premiers bénéfices du nouveau fonctionnement : « Paradoxalement, cet éloignement géographique crée finalement plus de proximité, de solidarité ».
Et qu’en serait-il des conséquences sur les organisations ? D’après Jean-Marc Vittori, celles-ci profiteraient également d’un nouvel élan. Sa prévision s’appuie sur une expérience réalisée par une agence de voyage chinoise en 2014 : le télétravail avait alors permis d’augmenter la performance de la société de 13 %. Une amélioration qui s’expliquait majoritairement par… un allongement du temps de travail.
C’est peut-être là la principale limite de ce système. À l’heure actuelle, il n’existe pas d’étude permettant d’affirmer avec certitude que le télétravail induit une augmentation de la satisfaction professionnelle. En revanche, un rapport du ministère du Travail montre que les salariés à distance travaillent en moyenne davantage que leurs collègues au bureau. Et cette pratique peut contribuer à estomper la frontière entre vie privée et vie professionnelle.
De plus, on le sait : l’être humain est
un animal social, qui a besoin d’interactions avec ses semblables. Et cela ne
concerne pas seulement les personnalités extraverties. C’est ce que souligne un
employé de l’industrie technologique, cité par The Guardian :
« Il m'est déjà arrivé de travailler à 100 % à distance, et il arrive
un moment où même un individu introverti a envie de voir un autre être humain ».
Tout le monde ne vivrait donc pas cette (r)évolution
de la même façon. Par conséquent, quelle que soit son ampleur, les entreprises
ne s’en sortiront qu’en prenant en compte les aspirations de chacun. Laisser la
porte ouverte au télétravail à ceux qui le souhaitent et pouvoir accueillir, de
façon plus flexible, ceux qui veulent conserver une vie de bureau, tout en
parvenant à préserver un sentiment d’appartenance, avec des travailleurs
éparpillés. Voilà quels pourraient être les enjeux majeurs des entreprises à
l’avenir.